
Théo Ceccaldi
L’annulation du rendez-vous Hear Palmer au printemps dernier à cause du confinement vous a inspiré une magnifique idée. Plutôt qu’un concert : un disque !
Oui, les circonstances sanitaires ont transformé le projet et l’ont rendu encore plus ambitieux, plus profond. J’en suis très heureux. L’idée a germé en discutant avec Thomas Duroux et l’équipe de Château Palmer : plutôt que d’interpréter le millésime à l’ouverture des Primeurs, nous avons décidé d’éditer un album, un disque taillé sur mesure pour célébrer une année particulière et, à travers elle, saluer dix ans de travail dans la biodynamie. C’était une expérience inédite pour Château Palmer comme pour moi.

Comment avez-vous procédé ?
J’étais déjà venu m’imprégner de l’âme du domaine pendant les vendanges. J’y suis retourné plusieurs jours au printemps, après le confinement. J’ai observé le travail des vignerons, du berger, de la potagère. Je prenais des notes sur un carnet, je m’intéressais à tout : la culture de la vigne, l’importance du terroir, le choix des légumes, le caractère d’un cépage ou d’une cuvée. Thomas m’a expliqué l’écosystème si particulier de Château Palmer, qui n’est pas sans résonance avec le jazz... Les vignerons font preuve d’une
ferveur et d’un dévouement exemplaires. Ils ne savent jamais quels raisins ils récolteront et s’adaptent aux caprices de la météo avec un mélange d’improvisation et d’extrême réactivité, comme dans le jazz. Il y a beaucoup de similitudes entre la maturation d’un album et celle d’un millésime. C’est d’abord une prise de risque permanente : pour le vin, il faut appréhender le caractère imprévisible de la nature, faire confiance à la terre, être à l’écoute.
Un album s’élabore-t-il vraiment comme un vin ?
Les principales étapes se font écho : la musique commence par un temps de composition, vient ensuite celui de l’enregistrement, du mixage et enfin du mastering. Le travail du vin commence par une connaissance aiguë de la terre, de la vigne, qui demandent un soin de tous les instants. Ensuite viennent les vendanges, l’assemblage puis l’élevage en barrique... Chaque étape est aussi décisive qu’essentielle : les musiciens comme les vignerons testent, tâtonnent, dosent, doutent, affinent sans relâche pour aboutir à l’équilibre et l’excellence souhaités. Quel pourcentage de merlot ? Quel degré de réverbération ? Mixer un morceau ou assembler des cépages requièrent une précision extrême pour parvenir au mélange le plus harmonieux.

« Chaque étape est aussi décisive qu’essentielle : les musiciens comme les vignerons testent, tâtonnent, dosent, doutent, affinent sans relâche pour aboutir à l’équilibre et l’excellence souhaités. »
Théo Ceccaldi, Musicien, Paris

Comment exprime-t-on un millésime en notes de violon ?
Je n’ai pas essayé de traduire mes émotions en phrases musicales. C’est un processus plus ténu, qui passe par l’immersion, l’imprégnation. L’atmosphère du domaine vient teinter ma musique, agit comme un filtre, une épice qui apporte une saveur particulière à la composition. J’ai improvisé dans différents lieux : le grenier du château, au milieu des vignes, dans les chais... Chaque acoustique influe sur la manière de jouer. Le cadre m’a inspiré un « son » neuf, fin, mature.
J’ai écrit six pièces, qui représentent chacune un vin ou une cuvée de Château Palmer. L’ensemble est plus épuré que mes précédents albums, avec quelques envolées qui caractérisent l’effervescence de cette année 2019, cuvée de la résurrection. Nous avons ensuite enregistré le disque en trois jours dans mon studio d’Orléans. C’est le premier vinyle de ma carrière. Il est le fruit d’une aventure partagée. L’album sortira en novembre 2021, en même temps que le millésime 2019, comme son prolongement musical...